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"Ni dans le milieu des affaires, ni dans le domaine du design, être femme n’est pas un bonus."

Et moi qui croyais que faire affaires dans la mode était chose plus facile pour une femme, Marie Saint Pierre me révèle le contraire. « C’est l’univers le moins féminin » s’écrie-t-elle. «Il y a très peu de femmes dans ce domaine et elles sont souvent les moins médiatisées. C’est une bataille beaucoup plus grande que si on est un homme, ça j’en suis persuadée!». Je n’en revenais pas. Comme on me l’a déjà fait remarquer, les femmes jouissent d’une certaine crédibilité dans le domaine de l’alimentation et de la nutrition; je pensais qu’il en était de même pour la mode. Sexiste, vous pensez? Qu’importe, il fallait que j’aille au fond des secrets de réussite de celle qui fut la première représentante du Canada aux Collections Créateurs de Paris et première Québécoise acceptée à la Fashion Coterie de New York. «Ça prend un facteur de persévérance car le domaine de la mode est un milieu probablement plus difficile que les autres, dû à la nature de l’industrie qui veut que l’on se renouvelle de 2 à 4 fois par année» confie- t-elle.  Mais comment garder cette persévérance, quand on sait que plus d’un ont abandonné l’aventure avant d’avoir atteint la notoriété? «Ça demande un bon entêtement, une certaine assurance et de la chance aussi !» s’exclame-t-elle avant de poursuivre en rappelant qu’ «au-delà de tout ça, je pense que c’est un secteur d’activités qui demande d’être assez forte pour négocier avec les équipes de création et les fournisseurs.» Pionnière dans son domaine, un des défis auxquels est confrontée l’entreprise de la designer est la formation des employés. Temps, travail et savoir-faire lui garantissent un succès hors pair et elle réussit avec brio les collections et créations uniques qu’elle vend aujourd’hui à travers le pays, dont deux boutiques à Montréal seulement.

«La nature de l’entreprise demande d’être un athlète olympique à certains moments ». On sent qu’on a affaire à cette véritable athlète qui a réussi tour à tour des exploits et dont la notoriété n’est plus à faire aujourd’hui. Mais un succès qui ne lui monte pas à la tête. «Même après 25 d’expérience, on ne peut pas s’asseoir sur ses lauriers : Il faut toujours se renouveler car on est encore fragile à cause d’un secteur lui-même fragile. Nous devons toujours être prêts à innover. Je me considère toujours en entrainement pour une grande performance, et cette performance c’est de se rendre à la prochaine collection.»  Doté d’un style qualifié à la fois d’indémodable, chic, et intelligent, les créations de Marie Saint Pierre ont pour principale inspiration la femme. «C’est mon sujet principal !»

Après ses études au Collège Lasalle, Marie Saint Pierre débute à son compte dès l’année qui suit. La marque qui existe depuis 1987 ne s’est pas construite du jour au lendemain. «Je pense que mon succès se base un peu là-dessus aussi car j’ai bâti mon entreprise avec le temps, étape par étape. Je n’avais ni les ressources financières, ni humaines pour progresser à grands pas». À une époque où tout nous semble instantané et facilement acquis, Marie Saint Pierre m’a rappelée que « bâtir une marque prend beaucoup d’habiletés car tout doit être conséquent ; aussi bien ce qu’on fait dans l’entreprise, qu’autour».

Lors des entrevues que je réalise, je suis toujours intriguée par le poids du sacrifice dans la vie des femmes d’affaires. Pour Marie Saint Pierre, il y a eu des sacrifices oui, mais «pour moi, quand je me lève le matin, je n’ai pas l’impression d’aller travailler : c’est comme aller dans ma 2ième maison ; c’est un grand privilège aussi ». Une façon de voir les choses qui met tout en perspective et ferait rougir celles et ceux qui traînent le pied le lundi matin…« Des fois on se sent oppressé par le travail et on n’a même pas le temps de souffler. Ce sont des quantités de travail énormes et on n’a pas souvent le temps de respirer entre deux ».Mais, il n’en demeure pas moins un travail qui est pour elle source de bonheur et d’adrénaline : «cette course folle que nous impose le secteur est lourde à porter, mais en même temps elle est hyper stimulante.»

Mais…et la famille dans tout ça ? «Mes enfants voient une mère qui bouge beaucoup, qui n’est pas à la maison de manière systématique à l’heure où ils arrivent de l’école, mais c’est peut-être inspirant pour eux de voir que je travaille fort et que j’arrive à réussir ; je pense que c’est une belle image de femme aussi que je leur donne. Et c’est important car mes enfants me voient à la maison heureuse, de bonne humeur parce que je me plais bien dans ce que je fais.»

A l’aube de lancer une collection spéciale pour Reitmans, Marie Saint Pierre concrétise une fois de plus la vision de la femme d’affaires au boulot de rêve : créer des robes susceptibles de plaire à toutes les femmes, et de toutes les morphologies possibles et imaginables. Nommée au mois d’octobre parmi les 25 femmes Châtelaine de l’année, Marie Saint Pierre est aujourd’hui un nom de référence incontournable dans le domaine de la mode québécoise.

Ai-je déjà dit en passant que j’adore ses pièces?

Propos recueillis lors de mon interview avec Marie Saint-Pierre.
Crédit photo: Daniel Desmarais
Revue Vue d'ensemble

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